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juillet 2008

une traversEE de la bretagne par les canaux signee patrick et isabelle

photos de la traversée
Patrick à la barre

De CONLEAU à SAINT MALO par les Canaux avec un DC20
(liaison Manche –Atlantique)

Après le « Mondial DC20 »de début Mai , où nous avons fait gouter l’eau salée à notre DC20 fraichement arrivé de Suisse, nous avons décidé de rester quelque temps dans le Golfe du Morbihan.
Ceci nous a permis pendant deux mois d’explorer quelques recoins du Golfe et même de rencontrer PLIJADUR  , d aller faire ensemble un tour sur l’ile d’ARZ. Nous irons aussi faire une escapade à HOUAT.
Le mouillage temporaire accordé à Toulindac (Baden) prenant fin au 30 juin, nous devions repartir sur Saint Malo par la route.
Nous avons eu l’idée de rester un peu plus longtemps dans le Golfe grâce à une place de visiteur tout au fond de la rivière de Conleau et au lieu de remonter par la route, remonter le bateau par les rivières et canaux.
Pourquoi faire en huit jours dans un confort précaire ce qui peut être réglé en 2 heures ?

Voici le récit de ce voyage bucolique que je recommande à tous, le DC20 me parait particulièrement adapté à cette navigation maritime et fluviale.

Cette croisière demande une certaine préparation du matériel : en effet pour 8 jours il faut être autonome (eau, nourriture, essence, pièces, outils) et ce n’est pas au milieu de la Bretagne qu’il y a des dépanneurs et même l’essence il faut aller la chercher à pied. Nous avons donc à bord 52 litres ce qui est théoriquement suffisant pour toute la croisière et un moteur de secours « au cas où ».
 
Le départ a lieu le 15/07 : c’est marée basse à Conleau, mais fier de mon tirant d’eau, je me dis que « çà doit passer » … mais la croisière commence mal et je suis échoué pendant deux heures ….
Pendant ce temps, Isabelle est à terre … et moi je range le bateau.
Le vrai départ a lieu vers 13 h  avec peu de vent mais dans le nez jusqu’à Port Navalo. Nous tirons donc tranquillement des bords sur un itinéraire désormais bien connu . Pour couronner le tout, vu le décalage horaire dû à l’échouage, nous avons le courant contraire et dans le Golfe … Petite récompense, nous ferons un dernier bord  direct de Port-Navalo jusqu’au Crouesty où nous passons notre première nuit bien au calme.

Le 16/07, départ vers 10h du Crouesty direction l’estuaire de la Vilaine : une trentaine de miles. Le temps est plutôt beau mais le vent est variable en direction comme en force passant de 0 à 3 en quelques minutes plusieurs fois dans la journée. Nous ferons appel au moteur et enroulerons le génois plusieurs fois dans la journée pour être à l’heure pour l’écluse d’Arzal.
Arzal est la dernière étape civilisée de notre parcours mais c’est surtout là que nous allons démâter : Yann est venu après son travail nous assister et passer la soirée avec nous. Après le démâtage, il faut bien caler le mat, fabriquer un « X », mettre en place un maximum de pare-battages mais malgré tout conserver un cockpit permettant de vivre pendant une semaine.
Bien calé, le mât dépasse largement à l’arrière (plus protection) mais pas du tout à l’avant. On verra que dans les écluses, cela permet de n’avoir pas de problème.

Le 17/07, départ vers 10h30 : à partir de maintenant, on est sur un fleuve et les indications  sont données en Km et Km/h. Sans forcer, je cale la vitesse sur 9,5 Km /h : le moteur (4CV Yamaha 2 tps) pousse bien et est loin de son maximum. Très rapidement nous pouvons  connaître l’autonomie d’un réservoir plein : 2h20, ce qui permettra d’anticiper la panne sèche qui, si elle arrive à un mauvais moment, peut être catastrophique. On arrive même à faire le plein sans arrêter : en mer ce serait plus délicat …
A 14h45 nous arrivons à REDON où il y a un port fluvial en plein centre ville, ce qui permet de faire quelques courses. Malgré un capitaine de port plutôt jovial, les douches ne sont pas à recommander …

Le 18/07, le départ est prévu à 10h15.
Isabelle, (sans doute pas bien réveillée) m’alerte en m’indiquant : quelqu’un de célèbre passe sur le ponton. « c’est Jacques HIGELIN! ». En regardant de plus près, j’aperçois une vieille anglaise avec les cheveux en bataille …
Au cours de notre traversée, nous rencontrerons peu de bateaux (environ 50 en tout !), mais effectivement pas mal d’anglais sur des pénichettes de location appartenant à des sociétés   … anglaises.
Le moteur fait des siennes et a souvent du mal à redémarrer  à chaud ce qui arrive à chaque écluse. Soit il démarre du premier ou deuxième coup, soit c’est raté, il se noie, et cela  va jusqu’au démontage de bougie et une grosse suée à force de tirer sur la corde. Dans ma préparation, j’ai oublié la bougie de rechange, celle-ci doit être ancienne. Dans les jours suivants, cela empirera et je résoudrai le problème en empruntant la bougie du moteur de secours qui n’est pas du tout du même type (ni de la même longueur) mais cela permettra d’aller au bout …

A partir d’ici il y a beaucoup d’écluses à passer : il faut connaitre les horaires (9h30 à 12h30 et 13h30 à 19h30) Donc, pendant l’heure de midi, soit on avance soit on s’arrête pour déjeuner. Les éclusiers sont pour la quasi majorité très sympa : vu le nombre de bateaux qui passent dans une journée, ce n’est pas stressant et on a quelquefois l’impression de leur offrir une distraction et des nouvelles du monde extérieur ! Le réseau breton  de voies navigables ne fait pas partie des VOIES NAVIGABLES DE FRANCE (VNF) et c’est ici gratuit !

Nous arrivons à 15h45 à l’écluse de Malon : il y a là plusieurs pénichettes en attente de passage : mauvaise nouvelle l’écluse est en panne : une grosse fuite a été détectée et des travaux de consolidation sont envisager : tout l’après midi des ingénieurs des Ponts et Chaussées sont venus, des entreprises sont intervenues et on nous a promis que la réparation provisoire permettrait de passer dès le lendemain.

Le 19/07 :  Bien qu’arrivés dans les derniers, le lendemain, nous passons dans le premier éclusage : un sas ne pouvant contenir 2 gros bateaux, nous passons en plus d’une pénichette : un petit plus un gros ainsi de suite. Les convois sont ainsi organisés.

La suite des écluses se passe sans problème et nous commençons à être au point : en général quand nous arrivons, l’écluse est ouverte car l’éclusier précédent a prévenu le suivant de notre arrivée …On s’amarre, on monte ou on descend …et on vous ouvre les portes de sortie, on se doit au revoir et merci … A chaque fois différent, à chaque fois sympa avec un décor campagnard et une vie au ralenti qui ressemble à l’idée que l’on se fait de la vie dans les années 50, et nous continuons à notre rythme … de 9,5 Km/h vers l’écluse suivante.
A noter que quelques écluses rapprochées sont gérées par la même personne qui fait la navette entre 2 écluses en vélo.
Vers 11 h , nous arrivons  à Betton où c’est jour de marché. La place du marché se trouve le long du canal. Nous faisons une halte sympa et quelques emplettes permettent de « faire des vivres »

Nous arrivons en fin d’après midi dans la banlieue de Rennes et passons une écluse non loin du stade de foot : c’est samedi soir, il y a un match de foot, le public se presse pour entrer au stade de la route de Lorient. Un parking étant de l’autre coté du canal, le passage des aficionados est momentanément interrompu pour nous faire passer et nous avons droit à une foule d’admirateurs ! pourtant ce n’est pas l’arrivée du Vendée Globe !
Nous traversons Rennes sous un angle inattendu : nous avons l’habitude d’aller en voiture ou à pied dans cette ville, mais cette fois nous voyons les choses d’en bas.

En plein milieu de Rennes, il y a plusieurs directions possibles et nous nous concentrons, d’autant que nous ne voulons pas passer la nuit en pleine ville et que l’heure avance.
Il y a un grand panneau indicateur : La RANCE : à partir de là, on se sent un peu chez nous quoiqu’en regardant le nombre d’écluses restant à franchir, on n’est pas encore à la maison !
Une écluse en pleine ville tenue par un étudiant pour qui on est le premier client de la journée…à 19 h …
On avance encore un peu de façon à  aller jusqu’à l’écluse suivante que nous ne pourrons pas franchir ce soir et à passer Rennes. Nous atteignons ainsi St Grégoire à 19h45.
Grosse journée aujourd’hui : le moteur a tourné environ 8 h !

Le 20/07 : Très beau temps, de plus le vent qui nous accompagnait jusqu’à maintenant est tombé.
La nuit devant l’écluse de St Grégoire a été calme et nous nous présentons à l’écluse pile à 9h30 ; ce qui permet un départ un quart d’heure plus tard. Au début on compte les écluses, après on ne compte plus car il y en a tellement : sans doute 16 aujourd’hui !
Vers 18h, nous passons l’écluse VILEMORIN, ensuite c’est le bief de partage : cela signifie que jusqu’à présent on est toujours monté (eh oui on est à 63 m au dessus de l’océan) , là pendant 7km on est sur notre point culminant et qu’après on ne fera que redescendre.
A 19h15, on s’arrête devant la première des écluses de HEDE. Sur le ponton, un autre bateau, un FIRST 18 avec 2 adultes et 2 jeunes à bord  fait le même trajet que nous : enfin, ils vont à St Malo. Drôlement organisés les gens ! Nous deux avec notre DC20 et nos 6,70m on a l’impression d’être un grand bateau ! Comment font-ils à 4 dans leur 5,50 mètres ?

Le 21/07 : HEDE et ses 11 écluses : Nous les passons  en 2h ! Il faut dire que les 2 jeunes du FIRST 18 aident à la manœuvre et que cela gagne du temps.
Vers 12h nous arrivons à Tinténiac et organisons la pause déjeuner : cela fait plusieurs jours que nos repas sont faits à bord et un restaurant est à quelques dizaines de mètres du quai.
Pour un prix modique, nous déjeunons fort correctement.

La suite du parcours, nous l’avons déjà en partie faite il y a quelques années : nous passons à Evran puis stoppons à 19h30 devant le petit pont de LEHON où il y a une superbe abbaye.

Le 22/07 : à 9h30 nous nous présentons devant l’écluse de LEHON : tout semble endormi ; après un quart d’heure de ronds dans l’eau nous décidons d’aller voir ce qui se passe. Je vais à terre et vais frapper à la porte de la maison de l’éclusier. Au bout de quelques minutes, la demi porte du haut s’ouvre et un monsieur complètement hagard apparaît torse nu et m’indique qu’il va m’ouvrir l’écluse.
Par la suite nous allons apprendre qu’il a eu une panne d’oreiller et qu’il nous remercie de l’avoir réveillé. Nous partons les meilleurs amis du monde ave cet éclusier.
Quelques kilomètres nous séparent de Dinan où le port connaît son agitation habituelle un jour de Juillet avec tous ses touristes. Nous revenons à la civilisation ! Une halte pour un petit café s’impose ! A partir de Dinan, nous pouvons remâter, le port étant d’ailleurs équipé d’une petite grue à cet effet. Nous le ferons pas puisque la sortie de l’eau sera effectuée le lendemain.
Plus que 2 écluses ! Celle de St Sanson est vite passée et à partir de là nous sommes en eau salée : en effet les marées remontent jusqu’ici (marées artificielles gérées par EDF au travers de son usine marée-motrice et le barrage de la Rance).
Lorsque nous naviguons dans ces eaux habituellement, nous avons un mat vertical et des voiles et une silhouette de voilier. Aujourd’hui, nous avons un mat mais celui-ci est allongé, tenu par son énorme X et derrière les nombreux  pare-battages il faut deviner un DC20.
Nous passons à Plouer-sur-Rance : il y a là une marina bien organisée et gérée par Liliane, capitaine du port attentive et efficace. Nous prenons quelques photos d’un DC20 au mouillage ‘LOUSTIC’, en assez mauvais état mais nous ne saurons pas son numéro de série malgré quelques démarches et un message laissé à son propriétaire …
Nous passons ensuite sous les grands viaducs  qui surplombent  la Rance (axe routier Caen-St Brieuc). Peu après la Rance s’élargit en particulier au niveau de St Suliac, l’un des plus beaux villages de France. Nous connaissons bien cet endroit pour y avoir eu pendant plusieurs années notre mouillage en attendant d’avoir notre anneau actuel à St Malo.
Encore quelques kilomètres et ce sera l’écluse qui jouxte le barrage de la Rance.
A 14h l’écluse s’ouvre mais à cette saison et à cette heure, seuls les bateaux sans mât (qui n’interrompent pas la circulation automobile au dessus) peuvent passer … et c’est aujourd’hui exceptionnellement notre cas !
A 14h30, nous avons rejoint le Port des Bas-Sablons, nous avons trouvé une place tout près de notre Aphrodite 101 ZIGZAG et c’est la première fois que nos deux bateaux se « voient ».
Brève rencontre, en fait une nuit, car nous sortirons le DC20  dès le lendemain : On va à la maison, on se lave (c’est le point faible de la croisière …nous avions une douche solaire mais qui n’a pu servir qu’une fois et encore avec du courage car il faut plusieurs heures de soleil pour avoir une bonne température, ce qui n’a généralement pas été le cas mais surtout un mat en place pour suspendre le système, le nôtre étant en position horizontale !)
Assez tôt le lendemain on amène la remorque sous la grue (en libre-service avec une clé pré-payée). J’ai en effet suivi les conseils d’Alain ne pas mettre la remorque à l’eau, elle est neuve. Isabelle est aux commandes de la grue, moi je guide le bateau le long du quai et 22 minutes après, on peut dire que la croisière est terminée.
J’achète une bougie neuve chez le premier Ship du port …
« Under Control » est remisé dans le jardin et tout le matériel est débarqué, nettoyé, rangé dans le garage.

Conclusion : Cette liaison entre l’Atlantique et la Manche est la portée de tout le monde, le passage des écluses étant très facile. Cela peut se faire au choix dans le sens Sud-Nord ou Nord-Sud. Nous avons mis huit jours depuis Conleau et six depuis Arzal. Bien sûr on peut mettre quinze jours si l’on souhaite faire un peu plus de  tourisme mais n’oublions pas que les haltes nautiques ne sont pas toujours près des sites à visiter et qu’on est des piétons. Une bonne préparation matérielle est nécessaire car il ne faut pas trop compter sur ce qu’on peut trouver en route. Nous avons fini la traversée avec 17 litres. Nous avons donc consommé 35 litres. Ne pas oublier l’huile pour le mélange, on n’en trouvera pas en route sauf à Arzal où il y a plusieurs chantiers et shipchandlers.
Avoir plus de puissance est inutile puisque la vitesse est limitée à 11Km/h. La durée minimale est donc difficilement réductible tant à cause de la vitesse que du passage et des horaires des écluses.
Les paysages traversés sont magnifiques, les éclusiers (souvent des éclusières) sont sympa, les écluses (plus de 60 quand même !) sont généralement magnifiquement fleuries et l’on vit à un autre rythme mais on est sur son bateau, un DC20, que demander de plus ? Les nuits sont calmes : pas de marée à surveiller, pas d’ancre qui dérape, pas de bateau qui vient se prendre dans vos amarres.
L’inconvénient : on ne fait pas de la voile et le teuf teuf du moteur est permanent.
La vigilance doit être permanente : on ne peut guère lâcher la barre comme en mer sous peine en quelques mètres d’être sur la  rive !

 

Patrick, Isabelle / DC20 UNDER CONTROL N° 349 / Juillet 2008)

 

Photos

Patrick